Dans la pratique collective, il me semble important de ne pas évacuer – au nom d’une rencontre idéalisée, fusionnelle – la dimension de la confrontation.
La sonorité de l’ensemble se déploie dans la mesure où chacun y joue un rôle déterminant. Il est donc indispensable que les « egos » soient assez forts, individualisés, identifiés, pour que la rencontre ait lieu, sous cette forme qu’on appellera la « confrontation créative ». Il peut sembler paradoxal que la plus belle des cohérences naisse de la plus stricte individualisation. Et pourtant, quiconque pratique la musique le sait: le mariage des timbres comme la collaboration des personnalités créent la sonorité unique de l’ensemble.
Il est clair alors que la musique naît d’une interaction et qu’elle n’est donc jamais un phénomène de reproduction, même à un très haut niveau de qualité. Le travail de la répétition est concentré sur cette interaction. Répéter pour tenter de reproduire un modèle idéal n’aurait aucun sens.
Entre les musiciens chanteurs, amateurs ou professionnels – cette distinction est encore moins pertinente ici que nulle part ailleurs, ce qui compte le plus est bien la capacité de coopération, entendue comme une confrontation ludique et féconde, tant en termes de compétence que de volonté.
[Je vous invite à découvrir l’article intéressant publié par Rue89, consacré au Trip to Asia de l’Orchestre philharmonique de Berlin. On y évoque notamment cette question de la confrontation: Le son de l’orchestre émane de la friction entre des personnalités très variées dans un espace très restreint.]